La formation, et en particulier la formation professionnelle continue, peut être perçue comme un bien permettant à un individu de développer ses compétences en vue de sécuriser son revenu futur et par construction avoir un avenir prévisible. Cette définition de la formation induit une approche de celle de Pierre Laroque[1] à propos de la protection sociale « la protection sociale recouvre l’ensemble des efforts tendant à permettre à chacun d’avoir sa place dans la société et à lui garantir la conservation de cette place dans un avenir prévisible ». La protection sociale se présente alors comme l’ensemble des mécanismes de prévoyance collective destiné à couvrir les charges résultant, pour les individus ou les ménages, de l’apparition ou de l’existence de certains risques ou besoins. Pour répondre à ces enjeux de la protection sociale, l’Etat et les partenaires sociaux ont élaboré des mécanismes de financement afin de couvrir ces différents risques ou besoins. Dans le champ de la formation professionnelle ce sont les Organismes Paritaires Collecteurs Agréés (OPCA) qui contribuent au financement des besoins de formation des entreprises. Pour autant ces organismes n’entrent pas dans le champ de la protection sociale et ne relèvent pas, a priori, de mécanisme de financement du type de ceux de la Prévoyance.

« C’est quoi un OPCA ? »

A regarder de près, les OPCA fonctionnent pour partie comme des mutuelles ou des organismes de prévoyance. Leur nom initial issu des années 70 n’était pas OPCA mais fonds d’assurance formation. C’est la réforme de décembre 1993 qui va donner leur nom actuel de simple « collecteur. »  Dans ces derniers un adhèrent paye sa cotisation, intégrée le plus souvent dans un contrat collectif, et en contrepartie bénéficie au cours de l’année de services en fonction de ses besoins. Dans un OPCA, les adhérents reçoivent d’abord un service en année n et versent une contribution au 31 mars de l’année n+1. A la différence des mutuelles et des institutions de prévoyance, l’OPCA fait l’avance de trésorerie. C’est une forme d’établissement de crédit puisqu’il avance l’argent pour le compte d’entreprises qui payent à terme échu. Par ailleurs les OPCA, tout comme les mutuelles, doivent chaque année au cours de leur exercice budgétaire anticiper les besoins de formation de leurs adhérents. Théoriquement tous les salariés devraient pouvoir partir en formation. Or, dans les faits, seule une partie d’entre eux le font. Il est alors possible d’établir le taux de départs sous la forme de probabilités formation par formation, et ce de la même façon que l’on évalue les risques aux seins des contrats des mutuelles et des organismes de prévoyance. Enfin, dans le cadre de formations longues et de la sécurisation des parcours professionnels, il est nécessaire pour les OPCA d’avoir des provisions. Par exemple, une formation d’infirmière coute 100 K€ et dure 3 ans – 4 ans en année civile. Il est donc nécessaire de disposer de provisions pour financer cette formation. Cela induit des mécanismes tels que ceux prévus dans les institutions de prévoyance pour faire face à certains risques.

Un outil de «prévoyance formation »

Les OPCA sont, en quelque sorte par leur nature, très proches des institutions de prévoyance, à la différence qu’ils avancent l’argent induisant par la même une dimension de crédit. Cette nature implique une gestion fine des fonds propres et nécessiterait, semble-t-il, d’évoquer des ratios de solvabilité dans les OPCA.

Dans cette vision très financière de la formation professionnelle, les OPCA sont d’abord des établissements financiers, alors comparons les aux établissements financiers traditionnels. Les établissements financiers « classiques » financent notamment les besoins de croissance des entreprises en leur permettant d’augmenter leurs fonds propres ou par le crédit. Les OPCA, via leur mécanisme de crédit, financent la formation des individus, soit le capital humain. En effet, par le biais de la formation ils permettent aux entreprises d’investir dans la compétence de leurs collaborateurs pour faire face aux nouveaux enjeux scientifiques, technologiques et économiques.

« La question du capital humain »

Dans cette approche, il apparaît que l’appellation d’Organisme Paritaire Collecteur Agréé soit réducteur notamment au regard des missions remplies par ces organismes. Cette appellation occulte d’une part leur rôle de financeur du capital humain et d’autre part celui consistant à faire de ces structures un outil dédié à l’accompagnement des mutations économiques en mettant au centre l’individu. Ici, l’individu est un maillon essentiel pour la réussite des mutations économiques des entreprises. Le contexte nouveau du virage numérique qui défrayent l’actualité en est témoin. Le dernier rapport du conseil d’orientation de l’emploi annonce que plus de la moitié des emplois du secteur privé sont concernés par ces mutations économiques dans les années à venir.

L’humain étant au centre de cet outil financeur qu’est l’OPCA, cet outil financeur du capital humain ayant la capacité de crédit est un outil de même nature que celui de la prévoyance. Une évolution possible alors dans le secteur de la formation professionnelle consisterait à transformer les OPCA avec leur capacité de financement en Prévoyance Formation paritaire pour accompagner les mutations économiques identifiées notamment par les branches professionnelles et de les faire reconnaître en tant qu’outil dans le champ de la protection sociale

En définitive les OPCA sont des établissements financiers du capital humain pouvant être requalifiés quasiment en un outil de prévoyance formation. Un outil au côté des établissements financiers classiques, qui financent les entreprises elles-mêmes, outil investissant sur l’individu pour développer les compétences nécessaires à tout développement. Ces deux forces conjuguées permettent donc aux entreprises de sécuriser leur avenir, notamment dans des périodes de fortes mutations économiques.

[1] Extrait de « Les groupes de protection sociale – évolution depuis 1945 et perspectives en France et en Europe » Michel Laffitte, Alain Borderie-RB Revue Banque Edition-2006, 414p.

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