L’un des défis du prochain gouvernement sera de permettre les financements à long terme que réclame le développement des infrastructures et la modernisation des entreprises. Si l’on accepte le fait que globalement les États ne pourront pas tout financer à partir de leur budget propre, il faut se poser la question du financement. Si l’on exclut de la réflexion les fonds souverains, on peut considérer que l’argent qui financera ces activités sera l’argent appartenant plus ou moins directement aux travailleurs (fonds de pensions / caisses de retraites / réserves liés à la protection sociale).
Les représentants des travailleurs ont donc toutes légitimités à regarder / surveiller à quoi sert l’argent qu’ils investissent. C’est ce que l’on constate aujourd’hui en France, et dans la zone OCDE.
Ces investisseurs sont de plus en plus regardant sur la création de valeur à long terme. Or, l’expérience montre que les entreprises qui intègrent les critères ESG (environnementaux, sociaux et de bonnes gouvernances) sont les mieux armées pour créer de la valeur à long terme. Loin d’être en opposition avec l’analyse financière, l’analyse de ces critères la consolide. L’analyse ESG permet de mieux apprécier l’entreprise dans sa globalité et favorise ainsi une meilleure connaissance des risques et des opportunités sectoriels qui lui sont propres. Le développement de la RSE dans les entreprises, notamment par les incitations législatives, permet de mieux connaître les entreprises.
Une entreprise qui respecte l’environnement, valorise son capital humain et fait preuve de bonne gouvernance a de toute évidence plus de chances de performer au plan économique et financier. En prenant en compte les intérêts de l’ensemble des parties prenantes, elle génère la confiance qui est une condition essentielle de sa réussite, et limite ses risques. Elle peut donc faire appel aux marchés financiers à des coups moindres et parallèlement valoriser le cours de ses actions.
La prise en compte de critères environnementaux, sociaux et liés à la gouvernance pousse à se confronter à un ensemble de questions (environnement, social, gouvernance) où ce qu’il faut faire et ne pas faire doit faire l’objet de débats, entre les détenteurs d’actifs et les « emprunteurs » . La prise en compte de critères ESG doit servir à construire en commun des solutions intelligentes.
Dans cette acception collaborative, il ne faut pas vouloir une action punitive ou stigmatisant en direction des entreprises. Il faut rentrer dans une démarche de conviction, de prise de conscience de la responsabilité sur le long terme et être pleinement conscients que les enjeux de l’activité vont au-delà des résultats immédiats.
Il ne s’agit pas de stigmatiser les entreprises qui ne se conformeraient pas à telle ou telle vision, mais d’aider à la production d’une information fiable afin d’éclairer le choix des investisseurs.
Cette vision conduit à donner une force particulière à l’engagement actionnarial. À travers lui, il s’agit non seulement d’orienter les choix d’investissements, mais aussi d’engager, de développer de nouveaux styles de relations avec les partenaires investisseurs d’un côté, et les entreprises, émetteurs de l’autre.
Dans la même vision de conviction, l’État peut aussi jouer un rôle d’accélérateur dans la prise en compte des critères ESG dans la gestion, non pas en l’exigeant mais simplement en incitant à publier de l’information, vérifiable et vérifiée, sur ce qui est fait en ce domaine.